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Un nouveau projet de crowdfunding immobilier en difficulté

mardi 24 avril 2018


Vous trouverez ci-dessous le contenu d'un article publié dans L'Indépendant le 23/04/2018. La situation du projet Les Terrasses d’Aspres est plutôt inquiétante.


Un chantier en panne depuis des mois, un lotissement social avec des malfaçons, des terrains non viabilisés.



Un lotissement fantôme. Et des propriétaires qui errent entre espoir et désillusion depuis de longs mois. Le projet “Les Terrasses d’Aspres” à Armissan, porté, par la SCCV gestionnaire du projet sur place pour Villas Création, faisait rêver pourtant. Dans un cadre idyllique, le lotissement, 21 villas pour particuliers, 22 logements sociaux, une unité de vie, était blotti, niché au cœur de la Clape à la sortie du village. “Votre villa entre vigne et mer, un programme intimiste…” : la publicité vantait des maisons au cœur de la nature dans un site exceptionnel. Aujourd’hui la réalité est toute autre. « Ma maison devait m’être livrée en juillet 2016, je devrais y être avec mon épouse et mes deux enfants », confie Thomas Fages, l’un des dix propriétaires qui oscille entre colère et écœurement. Thomas Fages est aussi le président du collectif d’Aspres.

Des terrains même pas viabilisés

Au début, en 2015, une première entreprise abandonne le chantier. Problème de sous-sol trop dur ? Problèmes de paiements ? Thomas Fages et les autres acquéreurs - ils sont dix désormais toujours en attente de leur maison au sien de l’association, (le Collectif des Aspres) - font preuve de compréhension face aux explications du promoteur Jean-Yves Moulhérat. Le chantier reprend, s’arrête pour s’immobiliser.

Neuf propriétaires ont acquis leur maison en Vente en État Futur d’Achèvement, (VEFA) ils paient par étapes l’évolution des travaux : vide sanitaire, dalle, au mieux des murs hors air… Thomas Fages comme d’autres ont déjà déboursé 100 000 € et sur le site, il n’a que la dalle de sa maison sur un terrain qui n’est même pas viabilisé. Et en plus, il faut payer les intérêts.

Procédures multiples

Au fil des mois, les situations des uns et des autres se compliquent. Une femme isolée avec un enfant a des difficultés face aux créances, des couples qui pensaient jouir de leur maison sont en location, une retraitée doit vivre dans une caravane… Le collectif des Aspres tente de se battre : lettres recommandées, courriers d’avocats, constats d’huissiers, courrier encore à la garantie financière d’achèvement… tout ou presque est resté lettre morte. « On est coincés et on est tous liés : propriétaires et promoteur », reprend Thomas Fages qui s’accroche encore à l’espoir d’avoir sa maison. La seule lueur d’espoir proviendrait de l’assurance, la garantie financière d’achèvement, que tous les propriétaires ont sollicité. Mais celle-ci souhaite avoir un rapport complet sur la situation, rapport que pour l’heure, le promoteur ne semble pas disposé à fournir.

Nous avons tenté de joindre à plusieurs reprises le promoteur, Jean-Yves Moulhehrat, sans succès.

Pour Gérard Kerfyser, l’ancien maire d’Armissan, et José Frère, le maire actuel, « A Armissan nous sommes en période électorale. C’est l’opposition qui depuis le début du dossier a tout fait pour que le lotissement n’aboutisse pas, ce n’est ni plus ni moins qu’une manœuvre électorale », clament les deux élus. Ils réfutent tous les arguments avancés par cette opposition. « Ils font feu de tout bois, ils découragent même d’éventuels acquéreurs », souffle Gérard Kerfyser. « On avait un projet tourné vers le social, (l’unité de vie) car les anciens ne veulent pas aller en maison de retraite. Ce projet correspond à leur demande et aux demandes de logements sociaux ». Les deux élus disent se trouver démunis face au promoteur, un privé sur qui ils n’ont aucune emprise, et compatissent avec les particuliers qui attendent toujours leur habitation. « Le promoteur s’est retrouvé avec un certain nombre d’entreprises qui ont fait défection », affirme José Frère et ce dernier émet une hypothèse, « Si le promoteur est incapable de terminer le chantier, la GFA (Garantie financière d’achèvement) prendra le relais. Mais ça risque de prendre du temps ». Sur le volet social : « A la rentrée 2018, les logements sociaux seront prêts le bailleur social (Erilia) fera tout pour ça… nous aussi. Il sera achevé ce chantier… enfin je l’espère », dit-il encore.

Sur la photo, à gauche Gérard Kerfyser, l’ancien maire, au centre, Jean-Michel Ménager, adjoint à l’urbanisme, à droite, le maire d’Armissan, José Frère.

Dans ce dossier plutôt chaotique l’agglomération du Grand Narbonne devait intervenir sur le volet du logement social, 36 logements sociaux devaient y être construits. La collectivité avait alloué au bailleur social Erilia une subvention de 202 500 €. Mais Grand Narbonne a sollicité le bailleur social pour des informations complémentaires après que des rapports d’expertises ont laissé apparaître des malfaçons. En février 2017 la subvention devient caduque et la somme allouée, pour désormais 27 logements, n’est pas versée. Selon Grand Narbonne cette subvention ne sera versée qu’au terme de l’achèvement des travaux.

Eux - des membres d’un collectif de voisins proches du lotissement - cela fait plus de dix ans qu’ils contestent, protestent, s’opposent. D’abord au projet des “Terrasses d’Aspres”, puis contre les nuisances des travaux et aujourd’hui sur ce que va devenir cette verrue immobilière à la sortie du village et surtout qui paiera s’il fallait tout raser. (1)

En ligne de maire l’ancien maire Gérard Kerfyser ; « Il a fallu cinq à six conseils municipaux pour que le permis de construire soit validé », expliquent ces voisins plus que vigilants. « Tout a commencé en 2008 dans la plus grande discrétion puis il y a eu une pétition contre le projet, des courriers à la mairie, DDE, préfecture au nom du principe de précaution pour signaler que le lotissement serait construit en pleine zone inondable », poursuivent les membres du collectif. Parallèlement à cette opposition les recours en justice de la part de particuliers se succèdent, tribunal administratif de Montpellier, Cour d’appel de Marseille, Cour de cassation…

Début des travaux en 2013

« En 2013, les travaux ont commencé… » se remémore le collectif. Mais pour ses membres, le permis de construire occulte les zones inondables, « Nous avons alerté la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer), ainsi que le sous-préfet de l’époque mais c’est la France, comme le permis avait été délivré on ne pouvait plus rien faire… » se désole encore le collectif qui affirme aussi que la DREAL (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) avait été alertée pour signifier qu’une parcelle constructible mordait sur la Clape alors que le site est protégé.

Avec le début des travaux, le voisinage s’indigne alors des nuisances du chantier puis pointe les enrochements inappropriés qui ne respectent pas les limitations réglementaires, « Il suffit de se rendre sur le chantier, qui a vu se succéder plusieurs entreprises, pour se rendre compte que le terrain bouge… il y a même un rocher qui est entré dans une maison. Les travaux ont été faits en dépit du bon sens… et le poste électrique qui doit alimenter le lotissement, les logements sociaux, l’unité de vie se situe au milieu d’une langue inondable », affirme le collectif. Après l’ancien maire, c’est le promoteur, Jean-Yves Moulhérat, qui est à son tour la cible des revendications mais aussi des interrogations. Le chantier a connu nombre d’arrêts pour être de nouveau immobilisé entièrement depuis octobre dernier. « Qu’est ce que ça va devenir, qui va payer ? La commune donc nous ? » s’interrogent encore les irréductibles opposants aux “Terrasses d’Aspres”.

1- Ce collectif est en fait, selon l’ancien maire, la future liste d’opposition aux prochaines municipales.

Jean-luc Letitre

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